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Critiques rédigées par Bernard

 

Oeuvre non trouvée

note: 5Sur les ossements des morts Bernard - 18 avril 2020

Nous sommes au fin fond de la Pologne. Le téléphone portable passe difficilement.
Dans cette région froide et rude de l'hiver, totalement isolée, c'est l'amour de la nature, des chênes et des tourbières qui anime le cœur de Janina Doucheyko, celui des animaux aussi qui peuplent cette forêt primaire toute proche.
Puis un de ses voisins est découvert mort chez lui, mystérieusement étouffé par un os de biche. Dès lors les morts vont s'enchaîner.
Il y a des traces d'animaux sur les scènes de crime. Non seulement des traces d'animaux, mais Janina Doucheyko est convaincue par certains indices que des animaux étaient présents non loin des lieux, à chaque fois. Un groupe de biches, un chevreuil, des lièvres, des renards... Un grand nombre de sabots sur la neige, tout près de là...
La forêt est bien présente au coeur du roman, sombre et mystérieuse comme si elle recélait la clef de l'énigme à elle seule. Par moments, au bord de ses ramures indécises, on frôle le fantastique.
Le rythme est prenant, le dénouement est inattendu.
Et si les animaux détenaient ici le rôle principal ?
Le récit tient aussi de l'engagement écologique, sorte de plaidoyer poétique et romanesque pour la cause animale.
C'est pour moi une bien belle découverte.

Eden (Monica Sabolo)

note: 5Éden Bernard - 18 avril 2020

Nous sommes ici dans un endroit reculé du monde. L'Amérique profonde, une terre ancienne, celle des Amérindiens, ceux qui furent exterminés, ceux qui ont survécus, cohabitent avec les lois des autres, parfois avec leurs propres lois aussi, celles d'une réserve qu'on devine se situer dans une contrée nord-américaine.
Nous sommes à la lisière de la forêt, une forêt menacée de destruction, nous sommes à la lisière des vies, comme l'adolescence est à la lisière du monde adulte.
Dans ce roman envoûtant, sombre et mystérieux où il est justement question d'adolescence, j'ai adoré l'idée d'un monde invisible, souterrain. Nous sommes à la lisière d'un autre monde, presque fantastique.
On pourrait presque sentir le cœur de la forêt battre entre les pages. la forêt que nous propose Monica Sabolo est oppressante, à la limite de l'asphyxie. C'est un monde beau, sauvage, vénéneux, capable d'accueillir des rites initiatiques d'un autre âge... Je me suis laissé emporter par l'incandescence des mots et l'ambiance onirique, sulfureuse, fascinante, proche du vertige, que ces mots suscitent.
J'ai trouvé originale cette manière de l'auteure d'explorer les douloureuses métamorphoses de l'adolescence, de dénoncer la domination masculine, de le déployer dans une fable écologique, sensuelle et violente, proche du fantastique.
Il y a des promenades en forêt qui ne sont pas toujours de tout repos...

La petite fille de Monsieur Linh (Philippe Claudel)

note: 5La petite fille de Monsieur Linh Bernard - 18 avril 2020

C'est une de mes meilleures amies qui m'a fait connaître il y a quelques années l'écrivain Philippe Claudel, justement par ce magnifique et court roman qu'est La petite fille de Monsieur Linh. Elle m'avait pourtant prévenu, connaissant peut-être ma naïveté : « tu verras, tu ne t'attendras pas à la fin... »
À la faveur d'une actualité mondiale qui devient malheureusement presque habituelle, celle de ces personnes, hommes, femmes, enfants, jetés sur les océans à cause des guerres qui nous semblent si lointaines, parfois jetés sur les rivages, parfois noyés, j'ai eu envie d'écrire cette chronique et je la leur dédie.
Parfois dans l'effroi du monde, nous voudrions rêver que tous les enfants meurtris par les guerres se sentent protégées dans les bras de Monsieur Linh. Nous voudrions aussi que tous les réfugiés jetés malgré eux sur d'autre routes, trouvent un banc où s'asseoir près de Monsieur Bark.
Ce livre nous dit l'exil, le déracinement, la solitude, mais aussi l'amitié, la solidarité.
J'ai adoré la manière qu'à cet auteur pour dérouler une histoire, presque ordinaire, et de la rendre proche de nous. Philippe Claudel nous amène au plus près de ses personnages, nous pourrions presque les prendre dans nos bras, où plutôt être par-dessus les épaules de Monsieur Linh et Monsieur Bark, au-dessus de ce fameux banc public, déployer nos bras au-dessus de leurs épaules et leur dire : « prenez soin de vous ».

Le Père Goriot (Honoré de Balzac)

note: 5Le Père Goriot Bernard - 18 avril 2020

Le Père Goriot est un roman que je trouve magistral dans l'œuvre d'Honoré de Balzac. Lu il y a quelques années, le confinement actuel est l'occasion pour moi de le revisiter et de vous partager mon ressenti.
Beaucoup de choses ont été écrites sur ce magnifique texte, sauf peut-être ce que nous en ressentons intimement. En tant que père, j'en ai été touché par sa tendresse et sa cruauté.
C'est une fable sociale à la fois merveilleuse et effroyable. Dans ce récit au réalisme saisissant, Honoré de Balzac a le courage de décrire l'âme humaine et sociale telle qu'elle est, ses enjeux, ses doutes, ses cupidités, ses alliances. Et dans les doutes, n'y a-t-il pas des plages de bonheur et de compassion qui s'invitent ?
Le texte qui sert ce questionnement est magistral. L'humanité tout entière s'engouffre dans ces pages. L'écriture est tout bonnement sublime. L'émotion est toujours à fleur de peau.
Terriblement réaliste, d'autant plus que les autres personnages, parfois pervers, qui gravitent autour du personnage principal, le Père Goriot, me semblent hélas intemporels...
Parfois j'ai l'impression que Balzac continue de nous raconter, non pas son histoire, mais la nôtre... Belle et terrifiante à la fois...
Quel bonheur alors !

Chien-loup (Serge Joncour)

note: 5Chien-loup Bernard - 18 avril 2020

Serge Joncour pose le décor de ce récit haletant dans les causses du Quercy.
D'un chapitre à l'autre, le lecteur va et vient entre deux récits, séparés par près de cent ans...
Nous avançons les mains parfois griffées par les ronces qui jalonnent le chemin de ces pages. le lieu devient un personnage à part entière et installe peu à peu une théâtralité où grandit l'angoisse. Si ce lieu est plein de quiétude le jour, il n'en est pas de même dès les prémices du soir : feulement de bêtes, froissement de buissons, bruit de cavalcades... Ici l'endroit devient sauvage à souhait, où le fantastique entre dans l'imaginaire des hôtes de ce lieu, comme une faille au-dessus du vide de la nuit. Car ce paysage sauvage a aussi la particularité de poser ses limites au bord du vide qu'invite une falaise vertigineuse, au détour de cette nature florissante.
Et puis il y a aussi ce molosse, mi-chien mi-loup, à la fois attachant et terrifiant...
J'ai aimé ce roman prenant. Le ciel se pose plus tard sur le paysage de ce hameau haut perché. Nos vies aussi ressemblent parfois à ce paysage ou plutôt à cette lumière du soir, entre chien et loup.
Ici il est question d'animalité, de prédateurs et de proies. Les fauves ne sont pas toujours ceux que l'on croit.
J'ai aimé ce roman prenant. Le ciel se pose plus tard sur le paysage de ce hameau haut perché. Nos vies aussi ressemblent parfois à ce paysage ou plutôt à cette lumière du soir, entre chien et loup.

Les vivants au prix des morts (René Frégni)

note: 5Les vivants au prix des morts Bernard - 18 avril 2020

Les vivants au prix des morts est un roman qui m'a pris au cœur. Je ne suis pas prêt de l'oublier. Nous sommes ici en dehors des sentiers battus. L'auteur d'ailleurs est atypique, il écrit sur ce qu'il connaît : la prison pour être intervenu en milieu carcéral dans l'animation d'ateliers d'écriture, l'écriture qui peut sauver des hommes, les aider à tendre les bras à travers les barreaux de leurs prisons.
Nous démarrons la lecture de son journal qui commence, nous sommes au plus près de lui, dans des phrases qui cueillent le jour, l'instant présent, un vol de ramiers, la neige qui est là accrochée aux branches, des dames qui traversent la rue d'en face, Isabelle son amour qui va qui vient de l'école où elle enseigne auprès de tous petits.
Un jour, le téléphone sonne et c’est le début d’un engrenage qui va prendre le narrateur à la gorge et nous avec...
Ici j'ai perçu le désir de l'écrivain : écrire l'autre côté de la vie, l'autre côté du versant, celui qu'on devine du bout des doigts, qu'on rêve d'atteindre un jour.
Ce roman est un endroit de poésie où l'on côtoie aussi les loups. Il est magnifique pour cela.
Dans cette lecture, j'ai été embrasé.

Glaise (Franck Bouysse)

note: 5Glaise Bernard - 6 avril 2020

Ce roman nous dit la grande guerre telle qu'elle s'est vécue, loin des tranchées et du bruit des canons. Il y a ceux qui vont mourir et ceux qui restent à l'arrière.
Pourtant la guerre semble tout près, Franck Bouysse nous la pose à sa façon dans ce petit village du Cantal. Tous les hommes valides sont mobilisés. Seuls restent les femmes, les enfants, les vieux, ceux qui sont invalides... C'est une micro-société désorganisée par le départ des hommes à la guerre et qui va apprendre à trouver ses marques, puisque cette guerre est appelée à durer.
La guerre est hors champ. La glaise, c'est celle des tranchées que l'on ne verra jamais dans ce roman, mais qu'on sent présente à chaque page, comme si elle nous collait aux souliers.
Dans la grandeur des paysages, Franck Bouysse nous plante un décor qui m'a fait penser à celui d'un western ; il y a des taiseux, il y a des non-dits, les gens s'observent, s'épient, se regardent en chiens de faïence. Les grands espaces sont là et pourtant les personnages sont comme emmurés dans leur solitude antique.
Un beau récit !

Sauvage (Jamey Bradbury)

note: 5Sauvage Bernard - 6 avril 2020

Ce roman a été pour moi un vrai coup de cœur.
Nous sommes en Alaska, nous découvrons ici le milieu du mushing, c'est-à-dire les courses en traîneau avec plusieurs chiens et parfois se déroulant sur plusieurs jours.
L’histoire est singulière et inquiétante, avec une once de fantastique. La nature très présente est un personnage à part entière.
La narratrice, adolescente de dix-sept ans, nous invite à découvrir son univers insolite, presque onirique, l'intimité troublante de sa personne.
C'est un livre empli de secrets et de mensonges. Un secret plus fort qu'un autre va alors porter le livre.
Alors il y a quelque chose d'animal et de sauvage qui s'éveille dans le récit et ce ne sont plus les bêtes ni la forêt qui y sont pour quelque chose.
On se demande où va l'histoire, on est pris à la gorge, on retient son souffle dans le silence blanc et étouffant qui nous entoure. Le climat est lourd, oppressant d'angoisse. Et brusquement tout finit par s'emboîter.
Un esprit de liberté souffle sur ce livre et j'ai trouvé cela merveilleux, puissant.
J'ai trouvé le personnage de Tracy fascinant, déroutant, quelque chose de chamanique la fait se dresser au milieu des pages, on pourrait en être presque révulsé à certains moments, mais elle m'a pris par la main et je l'ai suivie dans le dédale de son histoire, comme si j'étais entré dans son champ magnétique, emporté dans ce vertige et ne pouvant plus faire marche arrière.

Dernier arrêt avant l'automne (René Frégni)

note: 5Dernier arrêt avant l'automne Bernard - 2 avril 2020

À quoi reconnaît-on une phrase de René Frégni ? Peut-être à ces instants fugaces que la nature sait offrir à celui qui est disponible, à cette voix de l'enfance qui chemine entre les pages, à la rondeur d'une courbe féminine, esquissée entre deux désirs, à des gestes fraternels qui rassurent, à cette poésie du quotidien toujours plus belle pour dire tous les interstices de lumière qu'un cœur éperdu cherche parmi la noirceur qui nous entoure.
J'ai aimé retrouver cette ambiance dans ce dernier roman d'un auteur que j'aime par-dessus tout.
Par-delà l'intrigue qui tient le récit, j'ai retrouvé ici le ciel de Provence qui compose souvent le paysage charnel des romans de René Frégni, celui qui embrase le désir et nous réconcilie avec le monde, pose un peu de lumière sur nos blessures. Ici, quelques phrases suffisent à faire revenir la voix lointaine de la mère de l'auteur, et de la nôtre aussi. Cela fait du bien. Dès lors, le chemin qui revient à l'enfance n'est jamais très loin.

Le ciel par-dessus le toit (Nathacha Appanah)

note: 5Le ciel par-dessus le toit Bernard - 2 avril 2020

Le ciel par-dessus le toit est un magnifique roman écrit par Nathacha Appanah, il évoque par son titre ce très beau poème de Paul Verlaine ; j’ai appris que Verlaine l’avait écrit en prison, lorsqu’il tenta de tuer son amant Arthur Rimbaud. « Le ciel est par-dessus le toit, si bleu si calme ! ».
C’est à quelque chose près le décor que nous découvrons de cette famille ordinaire, presque comme les autres.
Le roman, cependant, démarre dans la cellule d’une maison d’arrêt. Comment comprendre ce qui a amené celui qui est ici, Loup, un enfant presque encore.
« Un arbre par-dessus le toit berce sa palme ».
Nous découvrons ce fait divers presque anodin qui conduit Loup en prison, mais l’auteure nous amène à découvrir à travers ses propres mots ce qui l’a amené à cela, remonter le chemin dans l’autre sens.
Je me suis pris d’empathie pour ce récit. J’ai aimé la poésie qui se dégage de cette très belle écriture, douloureuse forcément mais apportant une infinie douceur. C’est sans doute, je crois, la magie de ce texte...
Parfois les liens du cœur peuvent transcender les blessures de l'enfance. Il suffit alors d'une écriture, celle d'un livre, d'une auteure, notre émotion qui vient à sa rencontre, pour rendre le ciel si bleu si calme.

Né d'aucune femme (Franck Bouysse)

note: 5Né d'aucune femme Bernard - 2 avril 2020

Né d'aucune femme, dernier roman de Franck Bouysse, a suscité chez moi un véritable coup de poing, un coup au ventre, là où ça fait mal, mais là où ça fait du bien aussi.
Ici, il y a l'effroi et le silence, sans doute le désastre de vies multiples et sacrifiées.
Des voix s'entendent, sous la forme d'un récit choral, trois voix, celles de Rose, d'Edmond, d'Onésime, trois voix qui montent de la terre, peut-être des ténèbres, ou du moins ce qu'il reste de lumière enfoui dans ces ténèbres. Trois voix qui s'expriment de ce qu'il reste d'humanité en elles.
Ici, il y a l'innommable, la cruauté d'un monde, c'est-à-dire les gestes qui creusent encore plus le creux, le vide... Parfois, nous voudrions sortir du récit, faire ce pas de côté pour respirer un peu.
Il y a aussi la lumière puisque des personnages existent et vivent. Il y a une humanité immense parmi certains personnages. Ceux-ci grandissent à la faveur de l'histoire qui les lie, qui les noue, parfois intimement.
L'humanité ainsi n'est jamais loin, comme une respiration, elle est grande, nous chavire parmi les pages du livre.
Et puis enfin, il y a de l'amour, entrevu le temps d'un battement de cœur, ou plutôt le temps de deux battements de cœur qui s'engouffrent comme des oiseaux sauvages dans des yeux grands ouverts et étonnés, qui s'étreignent...
Ce livre est tout simplement d'une beauté remarquable.

Une joie féroce (Sorj Chalandon)

note: 4Une joie féroce Bernard - 2 avril 2020

Ce roman dit, de manière romanesque, ce que le cancer peut faire de vous, de nous.
Entrer en guerre. Oui, c'est bien entrer en guerre dont il s'agit, en résistance qui est l'essentiel. Se transformer aussi.
C'est l'histoire de quatre femmes qui vont vivre une histoire fusionnelle autour de ce thème. Il y a quelque chose dans cette sororité qui donne à ces femmes une force, une grâce, une fierté de tenir debout.
Je suis entré en empathie avec ces quatre femmes. C'est un livre sur la féminité, un combat, une manière de vouloir détruire ensemble quelques murs.
Ce roman fouille la question : jusqu'où peut-on aller lorsqu'on est acculé, lorsque le mal est en nous ?
La réponse est juste magnifique.

Vingt-quatre heures de la vie d'une femme (Stefan Zweig)

note: 5Vingt-quatre heures de la vie d'une femme Bernard - 2 avril 2020

Quel autre auteur que Stefan Zweig pouvait dire avec autant d'acuité les battements de coeur d'une femme, l'émoi amoureux, le désir féminin, fût-il éphémère, fugitif ?
Quel autre homme pouvait écrire, peindre cela à propos d'une femme ?
Il y a des feux qui ne s'éteignent jamais...
C'est un roman qui a l'allure d'une nouvelle, ou peut-être est-ce l'inverse...
Un texte court, mais en même temps grandiose, vertigineux, incandescent.
C'est un brasier.
Qu'est-ce que vingt-quatre heures dans le cours d'une vie ?
Une vieille dame se confie, déroule son récit.
La vie n'est pas toujours qu'un long fleuve tranquille.
Au cadran de l'horloge, les heures s'égrènent comme des ailes d'oiseaux.
C'est long vingt-quatre heures dans la vie d'un papillon ou d'une libellule !
Ou d'une rose. "Et rose, elle vécut ce que vivent les roses, l'espace d'un matin..."
L'écriture de Stefan Zweig m'enchante à chacun de ses textes. Elle est incroyablement emplie de justesse et de sensibilité.
L'écriture de Stefan Zweig, près d'un siècle plus tard, continue de nous brûler au ventre, qu'on soit homme ou femme d'ailleurs...

Correspondance, 1944-1959 (Albert Camus)

note: 5Correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès Bernard - 2 avril 2020

C'est une correspondance riche et croisée. Albert Camus l’écrivain et Maria Casarès la comédienne, amants, se parlent à distance dans leurs lettres... Ces lettres disent la joie d'aimer mais aussi les trop longues séparations, les jours sans l'autre, l'attente, la folle impatience des corps et des cœurs. Il suffit de balayer les pages pour entendre l'écho de leur voix.
En lecteur indiscipliné, je n'ai pas pu m'empêcher d'aller à la dernière page. Mais je ne regrette pas. Je ne suis sans doute pas le seul. Nous savons qu'Albert Camus a trouvé tragiquement la mort dans un accident de voiture le 04 janvier 1960. Et la dernière lettre qu'il livre à Maria Casarès date du 30 décembre 1959. Pouvons-nous simplement retenir ce qu'il écrit : « Je t'envoie déjà une cargaison de tendres vœux, et que la vie rejaillisse en toi pendant toute l'année, te donnant le cher visage que j'aime depuis tant d'années (mais je l'aime soucieux aussi, et de toutes les manières). Je plie ton imperméable dans l'enveloppe et j'y joins tous les soleils du cœur » ?
Le temps file, les pages s’égrènent comme des billes qui tombent d’un sac, elles sont brûlantes, le vent s’engouffre dans les doigts ou bien c’est peut-être le temps qui s’accélère. Décembre 1959, nous voudrions retenir leurs mots encore un peu, avant qu’ils ne s’éparpillent entre la terre et le ciel...

La part du fils (Jean-Luc Coatalem)

note: 5La part du fils Bernard - 1 avril 2020

Dans ce roman quasiment proche de la biographie familiale, Jean-Luc Coatalem revient sur les traces de son grand-père, envoyé en camp de concentration durant la seconde guerre mondiale et mort là-bas. Dans ce voyage vers le passé, l’auteur visite des lieux géographiques qui nous sont proches, la Presqu’île de Crozon, Plomodiern, Brest et dans les rues de Brest cette fameuse prison où fut enfermé le grand-père Paol, prison aujourd’hui désaffectée et qu’on est amené à longer, découvrir la façade vermoulue, pour peu qu’on emprunte cette rue étroite pour se rendre au site des Capucins. J’ai trouvé ce roman doublement touchant : le petit-fils qu’est ce romancier fait l’exercice de recherche que son père et les autres membres de sa famille n’ont pas pu ou su faire et dès lors réinvente par l’esprit romanesque le souvenir de ce grand-père tragiquement disparu. Il interpelle aussi des souvenirs personnels dans les familles touchées par cette tragédie et ce fut le cas dans ma famille. Ce roman qui effleure la réalité ne peut laisser indifférent.

Le dernier bain (Gwenaële Robert)

note: 4Le dernier bain Bernard - 1 avril 2020

Derrière cette toile célèbre du peintre David, illustrant nos livres sur l’Histoire de France, ce roman à la fois intelligent et subtil nous fait traverser le tableau et venir à l’envers du décor, découvrant une autre réalité. L'humain est présent, la révolution française apparaît plus que jamais ici tragique, inhumaine, éloignée de son destin initial.
Dans ce livre, nous apprenons que la fameuse baignoire a vécu moultes voyages et je vous laisse découvrir l’endroit insolite où elle fut découverte lors d’une de ses dernières péripéties.
J’ai découvert ici aussi cette lettre poignante de Charlotte Corday à son père, la veille de son exécution et qui figure en citation sur la première page du roman : « Pardonnez-moi, mon cher Papa, d'avoir disposé de ma vie sans votre permission ». Bouleversant...

Nous rêvions juste de liberté (Henri Loevenbruck)

note: 5 Nous rêvions juste de liberté Bernard - 29 mars 2020

Autant vous le dire d'emblée, le monde des bécanes et des bikers, ce n'est pas du tout mon univers. Mais alors, à quoi tient ce coup de cœur qui m'a totalement emporté ? Ce livre nous parle d'amitié, de fraternité, de trahison aussi.
C'est un monde qui fait fi des lois de la société, crée ses propres lois et en posant d'autres règles, ses propres règles, trouve en même temps les limites à son rêve mythique et fondateur : la liberté.
Même si on ne connaît rien de ce milieu des bikers, il y a ici une forme de résistance au conformisme dont on ne peut que s'en réjouir, y trouver une forme de jubilation.
Ce livre éveille en nous tous les rêves que nous ne savons pas assouvir dans nos vies parfois trop lisses ou trop rectilignes. Ce livre est tout simplement beau.

My absolute darling (Gabriel Tallent)

note: 5My absolute darling Bernard - 29 mars 2020

Je ressors de ce roman un peu sonné. My Absolute Darling est comme un voyage éprouvant et grandiose dont on se demande si on va en revenir indemne ou l'abandonner en cours de route, du moins, ce furent mes premières impressions. Ce livre est comme une claque, un coup de poing au ventre. J'ai aimé ce roman bouleversant et terrible par l'humanité que l'écrivain Gabriel Tallent fait entrer dans son récit, une part manquante dans les personnages malheureux de ce récit. Une fêlure aussi par où entre une lumière qui nous éblouit. Ce roman est pour moi un coup de cœur et je le situe comme un chef d’œuvre.

Oeuvre non trouvée

note: 5L'empreinte Bernard - 9 juillet 2019

L'empreinte, écrit par Alexandria Marzano-Lesnevich, est un livre au croisement de plusieurs formes narratives. C'est avant tout une autobiographie à la précision saisissante, mais l'histoire nous prend à la gorge et nous tient en haleine tout au long des pages tel un thriller. Se mêlent alors dans un merveilleux entrecroisement savamment dosé, deux chemins : le récit d'investigation d'une affaire judiciaire dans la Louisiane profonde et celui d'une introspection dans la propre existence de la narratrice. Les deux récits vont faire écho et se parler avec fracas et émotion...
Mais par-delà la richesse narrative, la première qualité de ce livre est de nous bouleverser, de nous déranger aussi.
J'ai trouvé ce livre puissant, magnifique, émouvant par son intelligence et sa lumière.
Car il faut convoquer la lumière pour décrypter les chemins les plus effroyables...
Ce livre est d'une force inouïe par ces deux seuls mots qui résonnent encore en moi alors que je viens à peine de le refermer, le mot comprendre et celui de vérité...

La vraie vie (Adeline Dieudonné)

note: 5La vraie vie de Adeline Dieudonné Bernard - 25 octobre 2018

La vraie vie est un premier roman, écrit par une jeune auteure belge, Adeline Dieudonné. C'est une sorte de récit initiatique où le réel vacille à chaque instant, nous amène dans l'univers glauque et sordide d'une famille presque ordinaire, dépeint de manière détonante et acide par la narratrice, une adolescente, dont ne saura jamais le prénom. On pourrait qualifier aussi ce récit de guide de survie en milieu hostile d'une enfant devenue guerrière par la force des choses, avec l'innocence en bandoulière...
J'ai trouvé l'écriture fulgurante. Les personnages sont sauvages, entiers, attachants aussi. C'est un univers étouffant, à fleur de peau, tout en ombre et lumière. Il y a une poésie du cauchemar et du sordide qui se dégage de ce roman qui emporte tout sur son passage. C'est à la fois âpre, sombre et sensuel. Je n'ai pas pu lâcher ce livre dès que j'ai commencé à le lire !

Mon désir le plus ardent (Pete Fromm)

note: 5Mon désir le plus ardent Bernard - 6 octobre 2018

C'est un roman magnifique et poignant où l'on perd pied d'émotion dès le début du récit. Une forme d'empathie nous entraîne immédiatement vers Maddy et Dalton et leur histoire.
Lorsque vient sa maladie, une sclérose en plaques, Maddy s'en prend au ciel, à la vie, au sol qui se dérobe sous ses pieds. Elle dit pourquoi, mais elle le dit avec humour.
Le mode narratif évite tous les pièges du pathos et nous livre une œuvre très belle d'humanité.
Mon désir le plus ardent ait que vous aimiez ce roman comme je l'ai aimé.

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